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VALÉRIE PLANTE MET CARTES SUR TABLE

Dernière mise à jour : 15 mars 2023

Lara Émond, Premières en affaires, printemps 2020




 

Le sourire de Valérie Plante a conquis le cœur des électeurs montréalais en novembre 2017. Il est à la fois sa marque de commerce, mais aussi, comme elle le mentionne, son armure. La première mairesse de Montréal est accueillante, comme les Québécois savent l’être. Elle est accessible, disponible, ouverte et transparente. La Ville de Montréal est en travaux depuis plusieurs années et les artères commerciales ont perdu leur attrait. L’essor des villes de la périphérie et le changement dans les habitudes de vie des consommateurs sont autant d’éléments à considérer pour le développement immobilier de la métropole. Lara Émond est allée à la rencontre de la mairesse pour faire le point. Lors de votre campagne électorale, vous avez fait de l’habitation l’une de vos trois grandes priorités. Le règlement 20-20-20 pour une métropole plus mixte a fait couler beaucoup d’encre. Plusieurs joueurs de l’industrie disent que ce sont les propriétaires des futurs logements qui vont subventionner les logements sociaux. Comment leur répondez-vous et quelle est votre vision de cet équilibre ? « Je considère que les promoteurs ont une responsabilité qui va au-delà de livrer des logements. »

Dans le règlement, il y a du logement social et abordable. Il y a du logement familial aussi, mais ça c’est différent. Les sources de financement viennent essentiellement de Québec. Il est vrai que quand il est question du logement abordable, on doit se poser des questions : comment est-ce qu’on s’assure de pérenniser le tout ? Quel genre de modèle peut-on mettre en place afin de garantir qu’un logement qui est abordable le demeure ?

Certains promoteurs annoncent une augmentation des frais autour des 15 % alors que la Ville, à la suite d’une étude pertinente et connectée au marché, arrive à une augmentation de 4 %. La question que j’ai envie de leur poser, c’est : « pourquoi est-ce que les acheteurs devraient assumer cette augmentation, et non les constructeurs et les promoteurs immobiliers, quand on sait que leur marge de manœuvre est supérieure ? » On veut que ce règlement soit solide. On s’est assis avec les acteurs du marché immobilier pour discuter avec eux. On a tenu des tables de réflexions. Si on veut que ça fonctionne, il faut que ça soit prévisible et que ça s’inscrive dans le temps. Bref, on a de grandes préoccupations, qu’on a partagées avec le milieu. Je considère que les promoteurs ont une responsabilité qui va au-delà de livrer des logements. Je considère qu’ils ont aussi une responsabilité sociale de s’assurer de contribuer au bien commun. Cela peut être par l’intermédiaire d’un fond des parcs pour faire des espaces verts ou encore en donnant un terrain pour bâtir des écoles. Au bout du compte, ces constructeurs gagnent au change puisque ce sont leurs logements qui prennent de la valeur quand ils peuvent ajouter, dans leurs arguments de vente, une qualité de vie environnante. Certes, les promoteurs ne sont pas contents, mais j’ai aussi entendu certains dire, à micros fermés évidemment, que le règlement est bien fait, qu’il est applicable, que ça se fait. Vous avez un pouvoir d’influence. Pensez-vous suivre les recommandations de votre homologue, Kennedy Stewart, maire de Vancouver, et travailler en faveur d’une taxe spéciale aux acheteurs étrangers avant que l’inflation immobilière ne rende les propriétés inaccessibles ? Quand on parle d’habitation, je sens la population très intéressée. Ça vient les chercher aux tripes et je les comprends, parce que, ne pas avoir de toit sur la tête, c’est inconcevable. Et de plus en plus de familles ont de la misère à se loger, donc ça touche de plus en plus de monde. C’est une situation très émotive. Qu’elles viennent du maire de Vancouver ou d’autres organismes, de nombreuses pistes de solutions sont évoquées. À Toronto et à Vancouver, la taxe a ralenti la situation pendant un certain temps avant que le tout ne reparte autrement. Il y a aussi l’option de la taxe sur le taux d’inoccupation. Ceci étant dit, ces pouvoirs-là ne sont pas à moi, ils sont à Québec. J’ai ces discussions avec Québec, mais il s’agit de déterminer à quel seuil on va conjointement dire « on pèse sur le piton et on met une règle comme une taxe sur les achats étrangers ». Il faut combiner plusieurs éléments, comme les incitatifs à l’achat d’une maison ou d’un logement à Montréal et les ajuster à la valeur du marché. La taxe, ce n’est pas pour maintenant. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans le cadre de vos fonctions par rapport à la collaboration avec les différents paliers gouvernementaux ? Je savais à quel point la ville est dépendante financièrement des gouvernements provinciaux et fédéraux, mais le vivre est différent. Par exemple, il y a des sujets qui ne nous appartiennent pas en soi, mais que je ne peux pas tout simplement ignorer, comme l’habitation et l’itinérance. Je n’ai pas un portefeuille dédié à l’itinérance. Je dois donc toujours me tourner vers Québec pour demander des sous, même si, en réalité, les gens sont dans les rues de Montréal. Souvent, afin d’y pallier, je vais venir prendre de l’argent dans mon budget régulier, mais mon budget, ce pourquoi les gens paient leurs taxes, il sert à déneiger, à collecter les vidanges, à entretenir les parcs, etc. Je ne veux pas dire qu’il ne faut pas payer des taxes pour les itinérants, mais ce n’est pas, de prime abord, dans mes responsabilités premières. Je suis donc toujours partagée entre régler un problème qui est urgent puisqu’on ne veut pas laisser personne dans la rue et dire à Québec : « Aidez-nous, c’est votre responsabilité. » C’est la même chose dans l’habitation et dans le transport. Je ne peux pas payer de ligne de métro. Cette situation nous force à avoir une discussion, à collaborer, et cela fait ressortir autant des défis que des opportunités. Montréal a été désignée Ville UNESCO de design en 2006. Toutefois, lorsqu’on voit certains projets immobiliers sortir de terre, plusieurs se disent « on pourrait faire mieux ». Qu’en pensez-vous ?

C’est un ensemble de règlements et de processus qui doivent être mis en place. Les concours, c’est pas mal tout ce que l’on a en ce moment pour créer du beau, mais ils ne touchent que les édifices publics. Je ne peux pas forcer un promoteur à faire un concours. Certains vont le faire et c’est tout à leur honneur. Ça implique également une réflexion plus globale sur la façon dont on pense la construction et même comment on donne les contrats, les appels d’offres, etc. En fait, nous sommes très limités. C’est toujours le plus bas soumissionnaire qui remporte le tout et souvent, ce qui hausse les frais, c’est l’architecture et le design. Si un génie pouvait exaucer n’importe lequel de vos souhaits pour la ville, quel serait-il ? Ce serait la ligne rose et c’est très simple parce que, au-delà de sa belle couleur, c’est l’équivalent de la Relief Line à Toronto, une ligne de soulagement. La ligne orange fonctionne au maximum de sa capacité et les données montrent à quel point ce projet est loin d’être une lubie. Ce n’est pas pour rien que le circuit 445 sur Papineau est plein. Ce n’est pas normal qu’une ville de la taille de Montréal n’ait jamais construit de station de métro depuis 20 ans. On va avoir le prolongement de la ligne bleue, mais, si on regarde ce qui se fait ailleurs dans le monde, la situation est absurde.




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