Lara Emond, Premières en affaires, printemps 2021
Plus que jamais, les planètes sont alignées pour encourager l’achat local au Québec et favoriser les producteurs maraîchers. Toutefois, les défis à relever sont nombreux, qu’il s’agisse du climat, de la pénurie de main-d’œuvre, de la concurrence étrangère ou de la volatilité des prix.
Les tendances sont claires : le consommateur, plus soucieux de sa santé et de l’environnement, recherche davantage des produits bio et locaux lorsqu’il peut se le permettre. La pandémie de COVID-19 a d’ailleurs accentué cette volonté d’acheter local. Toutefois, même si les goûts et les habitudes évoluent, le prix des aliments demeure le facteur décisif dans la plupart des achats alimentaires.
«Il y a de petites fermes avec une production marginale qui intéresse les citadins, par exemple dans les marchés publics, mais la vaste majorité des gens continue d’aller au supermarché et recherche avant tout de bons prix, dit Sylvain Charlebois, professeur en management et en agriculture à l’Université Dalhousie. Or, les prix sont très volatils. L’an dernier, par exemple, le prix des tomates a augmenté de 25% en un mois. Pour favoriser la production locale, il faudrait autant que possible stabiliser les prix. Une plus grande autonomie alimentaire permettrait de mieux contrôler cette volatilité.»
Au Québec, environ la moitié des aliments que nous consommons provient de l’étranger. Le gouvernement du Québec s’est donné pour mission de favoriser l’autonomie alimentaire et vise un objectif de 56%. En novembre 2020, on annonçait l’injection de 157 millions pour favoriser les initiatives en ce sens.
En conférence de presse, un défi était lancé à la population par André Lamontagne, ministre de l’Agriculture: remplacer 12 $ par semaine d’achats de produits étrangers par des produits locaux. Si chaque ménage québécois le faisait, cela permettrait d’augmenter d’un milliard par an la demande auprès de nos producteurs.
L’INDUSTRIE MARAÎCHÈRE AU QUÉBEC L’industrie maraîchère du Québec peut compter sur 650 producteurs tirant leur revenu principal de la production de légumes. Ces derniers cultivent 25 000 hectares et emploient 20 000 travailleurs, selon les chiffres de l’Association des producteurs maraîchers du Québec.
«Au Canada, la tendance lourde va vers une production plus industrielle en agriculture, mais au Québec, on constate tout de même une volonté de soutenir une plus grande pluralité agricole», dit Sylvain Charlebois.
Beaucoup de gens souhaitent lancer une fermette ou une petite production. Cela a toujours été difficile, mais depuis quelque temps, on constate une plus grande ouverture du côté de l’Union des producteurs agricoles, ainsi qu’au MAPAQ. Au Québec, il y a une reconnaissance que l’on peut faire les choses autrement. D’un côté, on a des consommateurs qui recherchent des produits locaux, et de l’autre, des gens qui veulent un retour à la terre. C’est donc important pour la province de s’ajuster en conséquence. »
Ce retour à la terre doit toutefois tenir compte de l’innovation.
« La politique d’autonomie alimentaire présentée l’automne dernier s’inscrit dans une mouvance de produire davantage en serres à longueur d’année en utilisant les nouvelles technologies, dit Sylvain Charlebois. Le Québec a la chance d’avoir accès à une énergie propre et abordable. De plus, les serres, qui sont souvent plus proches des villes, permettent d’accéder à un meilleur bassin de main-d’œuvre. Elles constituent une agriculture en environnement contrôlé, dans des écosystèmes fermés, ce qui contourne les problèmes de climat et de sécheresse. Mais ce n’est pas simple à développer, on ne s’improvise pas serriste.»
DE NOUVELLES AVENUES POUR LES PRODUCTEURS
Du côté de la distribution, on constate une évolution des réseaux permettant d’accéder aux produits locaux ou bio, notamment les légumes frais. L’accès est désormais plus facile. L’agriculture soutenue par la communauté (ASC) est maintenant bien implantée et ce, depuis 25 ans. Cette formule permet de faire affaire directement avec le producteur, sans intermédiaires.
De plus en plus de ménages sont abonnés à un « panier bio » qui leur est livré à domicile en provenance de leur « fermier de famille ». Les fermiers de famille, un réseau « solidaire » de 145 producteurs maraîchers certifiés ou précertifiés bio, est un bon exemple.
En ville, des citadins se tournent aussi évidemment vers les marchés publics tels que les marchés Jean- Talon ou Atwater, mais en 2021, si l’on souhaite acheter local, nul besoin de se déplacer, surtout si l’on habite une grande ville. Il est maintenant possible de faire son marché de fruits et légumes locaux complètement en ligne, grâce à de nouveaux modèles d’affaires qui permettent aux petits producteurs et transformateurs de rejoindre les consommateurs autrement. Il s’agit d’une alternative intéressante, alors qu’il peut être difficile pour les petits joueurs de satisfaire aux exigences des grandes chaînes d’alimentation.
Quelques exemples : les Fermes Lufa, qui cultivent dans des serres hydroponiques installées sur les toits, servent aussi d’intermédiaire entre une foule de microtransformateurs et les consommateurs. À ses propres cultures, l’entreprise a greffé une offre très élaborée provenant d’autres producteurs, qu’il s’agisse de miel, de produits laitiers, de viande et de boulangerie.
Il en va de même avec la boutique en ligne Maturin, qui permet d’acheter quelque 2 000 produits en provenance de 250 producteurs et transformateurs.
Au Québec, environ la moitié des aliments que nous consommons provient de l’étranger. Le gouvernement du Québec s’est donné pour objectif de favoriser l’autonomie alimentaire.
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